24 janvier 2023
En raison de l’inflation qui fait rage et d’une récession annoncée, la rumeur veut que de plus en plus de travailleurs se cherchent un deuxième emploi «pour joindre les deux bouts ». On entend ce discours aussi bien dans les médias (voir Bloomberg ou le Figaro) que dans le fil d’actualité LinkedIn (voir la publication de Mathieu St-Amand). Et si c’était plutôt pour s’affranchir de la tyrannie d’un employeur unique que le modèle séduisait?
Une première mise en contexte. Prenons l’exemple du Canada. Selon les données de l’INSEE local, les travailleurs canadiens ont d’abord été en mode « rattrapage ». Dans les premiers mois de la pandémie, l’électrochoc des mesures sanitaires avait fait chuter le double emploi, pour progressivement revenir à des niveaux prépandémiques.
Aussi, contrairement à ce que certaines personnes pensent, le double emploi n’est uniquement le lot des gens en précarité d’emploi – même s’il est plus répandu dans cette catégorie de travailleurs. Le cumul d’emploi est présent dans tous les «quartiles» de revenu, comme le montre ce graphique:
Or, dans les derniers mois, il est vrai que le coût de la vie a fait un bond en avant, qui se répercute sur la facture de courses et le logement. Cette conjoncture a amené plusieurs personnes à conclure que les travailleurs se cherchent un second emploi pour des raisons économiques. «L’inflation force la moitié des Américains à se chercher un second emploi », titrait Bloomberg récemment. «Si la hausse du coût de la vie pousse certains Français à négocier leur salaire, 40% envisageraient un deuxième emploi pour s’en sortir», annonçait pour sa part le Figaro.
Et s’il y avait une autre raison?
Des travailleurs assoiffés d’indépendance
Et si la raison (de vouloir un second emploi) relevait d’abord et avant tout d’un besoin d’indépendance plutôt que d’un besoin monétaire? Après tout, dans le contexte de pénurie actuelle, un travailleur qui « manque d’argent » peut d’abord commencer par offrir plus d’heures à son employeur principal. Non?
Si la pandémie nous a montré une chose, c’est que les travailleurs ont la bougeotte et qu’ils ne veulent pas être à la merci d’un employeur rigide. En ayant un premier emploi « à temps partiel », disons de 3 à 4 jours semaines, et un second « au choix », ou selon ses disponibilités, un travailleur peut assumer lui-même sa flexibilité – sans avoir de permission à demander à son employeur principal.
J’ai posé la question sur LinkedIn, à savoir ce qui motiverait une personne à occuper un second emploi. Je comprends les limites d’un tel sondage, mais les réponses m’ont quand même surpris:
Parmi ceux qui ont répondu «oui» au double emploi, 80% se disent motivés par une quête d’indépendance. Plus intéressant encore, de nombreux professionnels m’ont directement écrit pour m’expliquer les raisons qui les avaient poussés à occuper un second emploi.
Les raisons le plus souvent évoquées : élargir son réseau professionnel, développer son expertise dans un domaine connexe ou simplement faire des tâches de nature différente.
J’ai un deuxième emploi depuis de nombreuses années, m’a écrit Ziyad. Je suis en entreprise et consultant marketing à côté. Ce qui motive ? Ne pas dépendre d’un employeur, élargir mon réseau, obtenir de nouvelles opportunités professionnelles et augmenter mes revenus. Depuis que je fais ça, je ne vois que des avantages.»
Les employeurs doivent s’adapter
En tant que phénomène professionnel, le cumul d’un second emploi semble être une tendance de fond qui risque de se poursuivre et de s’accentuer. Il est en progression depuis plusieurs années, et ce, dans tous les quartiles de revenus (voir «Tableau 2» plus haut). Et donc, les employeurs doivent s’y ajuster. Sur LinkedIn, Mathieu St-Amant a bien expliqué le double impact que cela peut avoir sur les entreprises :
Selon ma lecture de la situation, il y a deux façons d’aborder la question en tant que dirigeant d’entreprise : 1) Tes employés font partie du lot et se cherche, eux aussi, un 2e job. Ça, c’est un enjeu important! 2) Tu as accès à un nouveau bassin de main-d’œuvre, ça, c’est toute une opportunité à saisir. Surtout si tu cherches à combler des postes. Avec le changement naissent de nouvelles opportunités. »
En conclusion de sa publication, il offrait ces conseils judicieux à dirigeants d’entreprise :
Je t’encourage à : garder l’œil ouvert en sondant tes employés, recruter de l’interne en prenant des mesures flexibles (mouvement de personnel, formation, progression, etc.) Revoir ta position (temps plein VS temps partiel) pour tes recrutements à venir. Faisons preuve d’agilité et transformons les enjeux en opportunités ! »