10 juillet 2023
Confrontées à la crise climatique et l’accélération du virage numérique, les entreprises ont besoin non pas d’un, deux ou trois employés créatifs, mais de toute une armée pour surmonter les enjeux actuels. Pas évident, sachant que chaque entreprise compte toujours sa part d’employés rationnels, cartésiens, parfois rigides. Bonne nouvelle : des chercheurs américains ont découvert comment libérer la créativité chez les esprits « conventionnels ». Oui, oui, vous avez bien lu!
La clé, ce sont les émotions. Ou plutôt, la stratégie employée pour les réguler.
En janvier dernier, des chercheurs de l’Université de l’État de Washington ont démontré dans un article de la revue Organizational Behavior and Human Decision Processes qu’ils étaient parvenus à allumer l’étincelle de la créativité chez des personnes enclines à la « pensée conventionnelle ». Cela, en menant une expérience toute simple.
L’équipe de recherche a demandé à 400 participants – séparés en quatre groupes – de regarder une vidéo émotionnellement chargée. Le premier groupe n’avait aucune consigne, le second devait « garder une expression faciale neutre », le troisième devait « penser à autre chose » et le dernier devait réinterpréter la scène selon le point de vue « émotif » de chaque protagoniste.
C’est cette dernière stratégie, appelée « évaluation cognitive », que la chercheuse Lily Yuxuan Zhu et son équipe voulaient tester. Concrètement, les participants de ce groupe devaient expliquer – par écrit – comment a pu se sentir chaque intervenant de la scène, selon sa perspective personnelle.
L’expérience a montré que les individus ayant une faible ouverture d’esprit ayant utilisé la technique d’évaluation cognitive pour réguler leurs émotions étaient plus créatifs [dans un test ultérieur sur la créativité] que ceux ayant eu recours à d’autres stratégies pour régulier leurs émotions ou qui n’ont pas utilisé de stratégie du tout. »
En d’autres mots, le simple exercice d’empathie de « se mettre à la place d’autrui » est parvenu à assouplir le trait « d’ouverture d’esprit » chez les personnes les plus obtuses du groupe de participants. Intéressant, non?
Qu’est-ce que l’évaluation cognitive ?
Prenons un pas de recul pour mieux comprendre de quoi il s’agit. À la base, l’exercice « d’évaluation cognitive » (« cognitive reappraisal » ) est un technique qui a été théorisé par les chercheurs Magda Arnold et Richard Lazarus.
Ces auteurs ont utilisé le terme appraisal pour décrire le processus par lequel un individu procède à l’évaluation d’une situation afin de déterminer notamment l’importance de cette situation pour son bien-être, ainsi que sa capacité à faire face aux conséquences de cette situation», explique-t-on sur le site Universalis.fr.
Ces chercheurs voulaient établir un lien entre les émotions que l’on vit et la manière qu’on les encode, de manière cognitive, dans notre cerveau.
L’approche proposée par Lazarus et Smith a consisté à analyser les thèmes principaux qui relient l’interprétation des situations à des émotions ; par exemple, si un individu interprète une situation comme « une offense dégradante contre soi ou les siens », cela déclenche typiquement de la colère ; si une situation est interprétée comme « une perte irrévocable », cela déclenche de la tristesse ; si l’individu considère qu’il « progresse vers la réalisation d’un but », cela déclenche de la joie. »
Revenons aux chercheurs de l’université de l’État de Washington. Ceux-ci ont posé l’hypothèse que la pratique de l’évaluation cognitive était positivement associée à la créativité. Et les expériences qu’ils ont mené leur ont donné raison.
Nos trois expériences soutiennent notre théorie en démontrant que l’évaluation cognitive améliore la flexibilité cognitive et augmente la créativité chez les individus avec une faible ouverture à de nouvelles expériences, et ce, indépendamment des effets des émotions sur la créativité. Par conséquent, l’évaluation cognitive est un outil efficace pour favoriser la créativité des penseurs conventionnels. Et plus largement, les résultats indiquent que les processus de régulation des émotions ont un effet de cascades sur les comportements, au-delà de leurs effets sur les émotions. »
Ne reste plus qu’à s’imaginer, quelques minutes par jour, dans les souliers de son prochain… Et le tour est joué!
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